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31 décembre 2009 4 31 /12 /décembre /2009 00:06


"Le jour où il y aura autant de minarets que de cathédrales en France, ça ne sera plus la France"

La phrase qui est attribuée à un ancien garde des sceaux, est symptomatique d’une certaine façon de concevoir la relation entre culture et religion. Que Pascal Clément ait prononcé cette phrase ou pas – je ne serais personnellement pas surpris qu’il l’ait fait –, il y a de nombreux français qui pensent plus ou moins consciemment que la religion qui est naturelle à la France, c’est le christianisme, et que le pays serait dépossédé d’un aspect capital de son identité culturelle si ce n’était plus le cas.

Cela pose le problème de la relation entre culture et religion : dans quelle mesure le fait culturel français peut-il se définir par la prédominance d’une certaine tradition religieuse ? Dit autrement, une religion peut-elle s’accaparer de l’espace culturel d’un peuple ?

Il est intéressant de poser une telle question à propos d’une culture marquée par la tradition chrétienne, car le christianisme constitue par essence une réponse à une telle question et pourrait en cela poser un paradigme pour la relation entre n’importe quelle culture et n’importe quelle religion.

En effet, Saint Paul, celui qui a plus que tout autre contribué à définir le christianisme naissant, a principalement bataillé sur ce terrain-là. La fameuse doctrine de la justification par la foi à l’exclusion des œuvres, si chère au protestantisme, n’est que la réduction dogmatique d’un combat épique sur la question de la relation entre la religion et la culture. Plus précisément, sur la question de la relation entre la religion chrétienne et la culture juive dans un espace dominé par la culture juive.

Aurait-on oublié que la religion chrétienne est née dans un berceau juif, formulée dans son essence par le prophète juif qu’était Jésus de Nazareth, propagée par des apôtres juifs, engendrant une communauté principalement constituée au départ de juifs, dans une contrée sous forte influence juive ?

La principale revendication des chrétiens d’origine juive qui constituaient le segment  largement majoritaire de la communauté chrétienne dite primitive, c’était que la religion authentique ne pouvait être dissociée de la culture juive, et que personne ne pouvait se réclamer d’une relation aboutie avec Dieu ou du droit au salut, s’il n’avait intégré dans sa pratique les marqueurs identitaires du peuple juif. C’est cette position que Paul stigmatise et résume quand il parle du salut par les œuvres de la loi.

L’erreur commise par nombre d’exégètes, c’est  d’interpréter le mot ‘loi’ dans son acception morale ou juridique, alors que Paul lui donne une valeur culturelle et quasiment ethnique. Pour le rabbin juif devenu apôtre chrétien, les « œuvres de la loi » sont les pratiques qui identifient l’individu comme Juif : la circoncision (Galates 5 : 2, 12), le respect des fêtes du calendrier juif (Galates 4 : 10), l’interdiction faite aux juifs de manger avec des non-juifs pour respecter la distinction fondamentale entre pur et impur (Galates 2 :12). Le problème pratique qui est au cœur des écrits de Paul, c’est celui de l’intégration des non-juifs au sein de la communauté chrétienne sans assimilation par l’ethos juive qui tend à dominer l’église à cause des origines historiques de cette dernière.  Pour Paul , il s’agit de contrer l’ethnocentrisme juif de l’Alliance entre Dieu et l’humanité, et de faire du christianisme un mouvement universaliste.

Si la France a découvert en 1905 le principe de la séparation de l’église et de l’Etat, Paul avait établi vingt siècles auparavant le principe de la séparation entre la religion et la culture.  Ce principe que Paul a utilisé pour faire échapper la religion à une culture particulière vaut encore aujourd’hui pour faire échapper la culture à une religion particulière. La population chrétienne qui prédomine en France ferait mieux de s’en souvenir dans sa manière de traiter avec les autres religions dans l’aménagement de l’espace culturel, sous peine de renier son acte de naissance.

D’un point de vue chrétien, l’identité culturelle française ne se définit pas plus par les clochers des cathédrales que par les minarets des mosquées. Encore moins l’identité nationale.

(Bientôt je publierai ouvrage théologique sur la relation entre religion et culture dans les écrits de Paul)

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