L'appellation officielle des adventistes, c'est "adventistes du 7ème jour" parce qu'ils
font du repos du septième jour de la semaine, identifié comme étant le samedi, un enjeu majeur dans l'histoire du salut.
Cette observation du repos sabbatique est chez eux régie par des règles bien précises,
presqu'identiques à celles qui sont pratiquées par les juifs orthodoxes. Le sabbat correspond au 7ème jour de la semaine, et commence au coucher du soleil du vendredi pour s'achever au coucher du
soleil du samedi à cause du récit génésiaque de la création. Durant ce jour, on ne doit faire aucun travail séculier ou rémunéré à cause de la formulation du 4ème commandement du livre de
l'Exode. On ne doit non plus cuire aucun aliment à cause des prescriptions faites par Moïse au peuple d'Israël.
S'il ne s'agissait que d'un simple jour de culte, il n'y aurait pas grand chose à en dire
car l'observance de temps sacrés est une donnée anthropologique, une pratique propre à toutes les cultures de tous les temps. Ce qui en fait le sujet d'un regard critique, c'est que le sabbat est
considéré comme l'enjeu suprême de la confrontation finale entre les forces du bien et les forces du mal dans le schéma eschatologique et apocalyptique des adventistes. Sous l'influence notamment
de la prophétesse adventiste Ellen White, il est prévu que tous les peuples du monde s'uniront sur la base de l'observation du dimanche contre le seul peuple adventiste dont la marque
particulière sera l'observation du sabbat du 7ème jour comme signe distinctif du vrai Dieu.
Les adventistes sont prêts à tout sacrifier pour cette pratique jugée essentielle dans la
relation avec Dieu: études, travail, opportunités, revenus, relations amicales ou familiales.
Cette croyance est basée sur une lecture littérale des textes bibliques, à commencer par
ceux de la Genèse qui font du sabbat une pratique liée à l'acte créateur de Dieu et aux origines de l'humanité.
Le problème, c'est qu'un examen sérieux et objectif des textes bibliques détruit les
fondements de cette croyance particulière.
Le récit génésiaque des origines de l'humanité
est un mythe
Contrairement à ce que croient les adventistes la Genèse ne contient pas une restitution
historique des origines de l'humanité mais un mythe monothéiste destiné à combattre des mythes polythéistes. C'est ce qui ressort clairement de la lecture attentive des deux récits de création
faits par la Genèse.
Le premier récit raconte la création du monde en 6 jours de 24 heures, couronnée par un
repos du 7ème jour, mais quand on regarde de près ce récit on constate les choses suivantes:
L'auteur situe durant les 3 premiers jours ce qui est supposé être un habitat ou un
environnement, et durant les 3 jours suivants ce qui est supposé se trouver dans cet environnement:
ENVIRONNEMENT
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RESIDENTS
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1. Lumière
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4. Soleil, lune et étoiles
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2. Séparation des eaux et ciel
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5. Animaux aquatiques et oiseaux
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3. Terre et verdure
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6. Animaux et être humains
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Repos du sabbat
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On voit bien que l'auteur s'exprime avec une vision archaïque du monde, car pour lui, la
lumière est l'habitat du soleil, de la lune et des étoiles, comme les eaux, le ciel et la terre sont les habitats des poissons, des oiseaux, des animaux et de l'homme.
Il a une représentation primitive et naïve de tout ce qui concerne les points lumineux qui
sont perçus au firmament de jour comme de nuit.
Son regard n'est ni scientifique ni historique, mais à la fois poétique, mythologique et théologique
La vérité de ce texte n'est donc pas historique ou scientifique, mais
théologique: L'auteur veut simplement opposer une vision monothéiste des origines du monde à une vision polythéiste et animiste, mais l'absence de
connaissances scientifiques ne lui permet pas de faire autre chose qu'utiliser le mythe qui est une construction intellectuelle se servant des données empiriques traditionnelles pour expliquer
l'origine des choses.
Si cette description se voulait historique ou scientifique, elle serait absurde
car,
Elle parle de lumière dans un système solaire avant que le soleil soit créé.
Elle fait de la lune et des étoiles des luminaires au même titre que le soleil, sans faire
la distinction entre ce qui émet de la lumière comme le soleil et certaines étoiles, et ce qui réfléchit la lumière comme la lune.
Elle fait du soleil, de la lune et des étoiles des choses placées dans une voûte comme des
points lumineux.
Elle situe la création des étoiles en même temps que la création de la terre, alors qu'il
s'agit de choses qui sont extérieures au système solaire, et qui lui sont parfois antérieures et parfois postérieures. En effet, des myriades d'étoiles sont nées avant qu'apparaisse notre terre,
et chaque jour d'autres continuent de se former.
Elle parle de la succession des jours et des nuits avant que le soleil soit créé, et qu'il
y ait donc une terre qui tourne sur elle-même et gravite autour du soleil.
Elle parle de la création de la végétation avant la création du soleil qui est responsable
de la croissance de la végétation.
Pour le 7ème jour, l'alternance nuit/jour n'est pas mentionnée.
Une telle description n'a de sens que si on la reçoit comme une construction
intellectuelle archaïque qui cherche à dire essentiellement que le Dieu des Hébreux est à l'origine de tout, qu'il ordonne la réalité, et que tout lui est subordonné comme création, y compris ce
que les autres peuples considèrent comme divinités.
Par ailleurs, le second récit de création fait dans Genèse est nettement différent du premier. Il fait apparaitre l'ordre suivant dans le processus de la création:
1. Création de l'homme (le mâle)
2. Plantation d'un jardin en Eden, lieu d'où partirait un fleuve divisé en 4 bras.
3. Création des animaux et des oiseaux
4. Création de la femme (la femelle)
La différence entre ces deux récits montre bien que l'auteur ne les avait pas conçus comme
des descriptions historiques ou scientifiques des origines du monde, sans quoi la contradiction serait inexplicable. Il s'agit bien de mythes dont la cohérence réside dans le fait qu'il s'agit
pour l'auteur de rendre compte de la relation entre, d'une part, le Dieu qu'il adore et les forces naturelles divinisées des nations étrangères, et d'autre part de la relation entre l'homme (le
mâle souverain) et les éléments de son environnement: végétaux, animaux et femme. Il s'agit aussi de rendre compte des modalités de l'existence de l'être humain tel que lui le connait: mortel,
souffrant, accouchant dans la douleur, tirant péniblement sa subsistance de la terre durant 6 jours, et vouant un culte à Dieu le dernier jour de la semaine depuis la fuite d'Egypte.
De tout ceci, il découle que le double récit génésiaque de la création ne saurait être
pris littéralement, et ne saurait constituer la justification théologique du sabbat comme faisant partie d'un ordre naturel et originel des origines de l'humanité. Il s'agit en fait d'une
"rétrojection" de la pratique hébraïque dans un mythe de création, ce qui est parfaitement normal de la part d'un croyant hébreu de cette époque.
Leo Trepp, rabbin juif, écrit dans son ouvrage UNE HISTOIRE DE L'EXPERIENCE JUIVE:
"Le sabbat est une invention sémitique qui a naturellement germé de l'observation de la nature du fait que
le fermier divisait le cycle de la lune en quatre phases. . . . Les Juifs ont donné au sabbat sa double signification spirituelle. C'est un jour de
repos universel, rendant concret le principe d'égalité universelle entre maitre et esclave, employeur et employé, seigneur et serviteur. C'est par ailleurs un temps de régénération et de
restauration spirituelles."
Toutes les autres mentions du sabbat dans l'Ancien Testament doivent donc être considérées
dans cette optique: une pratique particulière à un peuple.
Pour ceux qui seraient tentés de crier au blasphème parce qu'il est question de mythe dans
les textes bibliques, il faut qu'il se souvienne que la "vérité" est véhiculée par différentes sortes de textes qui ne sont pas pour autant historiques ou scientifiques: la parabole, l'allégorie,
la poésie, et l'apocalypse. Ces différents genres littéraires procèdent par fiction, métaphores, ou symboles qui n'ont rien à voir avec l'historique et le scientifique. A chaque genre de texte
son genre de vérité.
Le sabbat dans les évangiles
Les fondamentalistes sabbatistes pensent que l'observation du sabbat par le Christ, telle
que mentionnée dans les évangiles, confirme la perpétuelle validité de cette pratique pour tous les chrétiens de tous les temps. C'est perdre de vue que Jésus de Nazareth était un juif qui vivait
comme tous les juifs et observait donc le sabbat.
Ce qu'il faut surtout retenir des évangiles, c'est la distance radicale que prend le
Christ par rapport à la conception de ses compatriotes et contemporains sur la question du sabbat, cessant de faire de cette pratique un fin en soi pour la subordonner à la seule cause qui
vaille, celle de l'humain.
Le sabbat dans les Actes de
Apôtres
Le livre des Actes continue de lier la pratique du sabbat à la vie juive. Sur les trois
mentions de la pratique du sabbat qu'on y trouve, deux se situent dans le contexte synagogual (Actes 13 et 18).
La troisième (Actes 16) concerne des femmes qui se réunissaient le sabbat dans ce qui est
simplement appelé "un lieu de prière", et parmi ces femmes qui ne sont pas des chrétiennes se trouve une certaine Lydie qui est une "craignant Dieu", c'est à dire une sympathisante du Judaïsme.
La présence de cette femme "craignant Dieu" parmi d'autres femmes réunies dans un lieu de prière le jour du sabbat semble indiquer qu'il s'agissait d'un groupe de femmes juives. S'il n'est pas
question d'une synagogue, mais d'un simple lieu de prière, c'est que le service cultuel des synagogues étaient des lieux dominés par les hommes, ce qui laisse supposer que si des femmes juives
voulaient se réunir entre elles il leur fallait trouver un autre lieu.
Le sabbat dans les épitres
Les épitres sont des textes écrits pour traiter de problèmes rencontrés au sein des
premières communautés chrétiennes. On constate que le sabbat n’y est pas souvent mentionné, mais quand il l’est c’est en rapport avec le conflit entre judaïsme et universalisme au sein de la
communauté chrétienne. Voici les textes dans lesquels le sabbat est traité directement ou indirectement.
Rom.14; 1-12 (La distinction entre les
jours)
Pour bien comprendre ce passage, il est nécessaire d'être attentif aux faits
suivants:
L’épître aux Romains à été écrite à une communauté chrétienne où chrétiens d’origine juive
et non juive se méprisaient mutuellement, les juifs au nom de l’élection de leur peuple et les non juifs au nom de la foi nouvelle en Jésus-Christ.
Les pratiques juives des chrétiens d’origine juive sont des sujets de controverse, les
judéo-chrétiens estimant ces pratiques toujours valides et s’imposant à tous les chrétiens, et les pagano-chrétiens les rejetant comme désuètes.
A l’arrière plan des versets 2 et 3 se trouve le problème des viandes sacrifiées aux
idoles. Certains judéo-chrétiens s’abstiennent de consommer de la viande pour éviter les viandes qui auraient fait l’objet de consécration aux idoles avant d’être mises sur le marché.
Au verset 5, la distinction entre les jours est en rapport, soi avec les jours de jeûne, soit avec les jours de sabbat, soit les deux à la fois.
Galates 4:8-10 (L’observation du calendrier
juif)
Paul reproche aux Galates, chrétiens d’origine païenne, de retourner à une mentalité
païenne par l’observation du calendrier juif!
Les « principes élémentaires du monde » (stoichéïa tou cosmou):
Stoichéia: le mot désigne les lettres de l’alphabet ainsi que les éléments fondamentaux de
la nature (eau, terre, air, feu) considérés comme des divinités par les païens.
Paul assimile l’observation du calendrier juif à la pratique puérile des païens consistant
à diviniser les éléments naturels.
Or, dans la calendrier juif, il y le sabbat (qu’il soit sabbat du 7ème jour ou
sabbat comme jour chômé)
Col.2:16 - 23
L’auteur s’adresse à des pagano-chrétiens qui sont sous la pression de judéo-chrétiens
parce que ces derniers considèrent que le christianisme n’est que le prolongement du judaïsme par le fait que le Messie (Jésus) est juif, et que les pratiques juives s’imposent à toute la
communauté chrétienne: circoncision, pratiques alimentaires reposant sur la distinction entre pur et impur, et calendrier juif avec ses festivals, et ses sabbats.
L’argument de l’auteur, c’est que la venue de Christ préfigurée dans les pratiques juives,
a aboli ces dernières, et que sa mort a signifié la fin d’une alliance qui, faite avec le peuple juif, était considérée comme excluant les non-juifs, sauf si ceux-ci se convertissaient au
judaïsme.
Les adventistes veulent restreindre "les sabbats" mentionnés dans ce texte aux seuls
"sabbats cérémoniels" en excluant le sabbat du 7ème jour, l'auteur de l'épître ne fait pas une telle distinction. Il parle de tous les sabbats, qu'il s'agisse du sabbat hebdomadaire ou des autres
jours chômés du calendrier juif.
Il restera un texte à analyser, ce sera celui de Hébreux 3:7 à 4:13. Ce sera l'objet d'un
prochain article.