Eric C. m’interpellait il y quelques jours en brandissant comme une menace le texte de Galates 6 :7 : « Ne vous y trompez pas: on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. »
Il sous-entendait qu’en critiquant publiquement un mode de fonctionnement nuisible aux personnes au sein de la communauté adventiste, et à moi entre autres, je militais contre Dieu et encourrais son jugement.
A-t-il seulement réfléchi au véritable sens et aux vrais enjeux de ce texte ?
Cette déclaration est tirée de l’épître de Paul aux Galates, une œuvre que j’affectionne tout particulièrement.
Dans cette épître, Paul oppose deux démarches.
D’un côté, celle qui est prônée par un certain nombre d’apôtre chrétiens d’origine juive qui insistent sur la nécessité pour tous les chrétiens, y compris les non-juifs, de se conformer au style de vie élaboré par le peuple juif afin d’avoir droit au statut d’enfant de Dieu et d’héritier du salut.
D’un autre côté celle qu’il défend avec passion et qui veut que le salut ne répond à aucune autre condition que la foi en Christ, le style de vie juif élaboré à partir de la loi (toute la révélation mosaïque) n’ayant rien à voir avec le salut des croyants.
Au terme de sa démonstration, Paul en vient à des considérations pratiques.
Ayant appelé les Galates à revendiquer leur légitime liberté de sujets en Christ, il précise qu’il ne s’agit pas d’une liberté à entendre au sens simplement humain d’expression anarchique des pulsions, mais au sens spirituel d’une vie qui ne puise sa définition que dans la seule soumission à l’Esprit de Dieu.
Il lance donc à tous un appel à vivre sous la loi du Christ, c'est-à-dire à pratiquer l’amour dans la bienveillance mutuelle.
L’intégralité du texte évoqué par Eric C. vient dans ce contexte et se lit ainsi : « Ne vous y trompez pas: on ne se moque pas de Dieu. Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi. Celui qui sème pour sa chair, moissonnera de la chair la corruption; mais celui qui sème pour l’Esprit, moissonnera de l’Esprit la vie éternelle.»
Selon Paul, ceux qui se moquent de Dieu, ce sont ceux qui sèment pour leur chair. Or, il fait un certain nombre de déclarations qui révèlent clairement ce que signifie « semer pour sa chair ».
Il déclare quelques lignes auparavant : «Ne devenons pas vaniteux en nous provoquant les uns les autres, en nous portant envie les uns aux autres. Frères, si un homme vient à être surpris en quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que toi aussi, tu ne sois tenté. Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ. »
Et juste après, il dit encore : « Ne nous lassons pas de faire le bien; car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas. Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi. »
Le texte évoqué par Eric C. condamne donc, non pas ceux qui comme moi, dénoncent les atteintes ignobles aux personnes perpétrées au sein de la communauté adventiste au mépris des règles internes de l’église et des lois du pays, mais les salauds pharisaïques qui, enivrés par le pouvoir auquel ils ont eu accès, détruisent ou laissent détruire ceux qui leur font de l’ombre, ceux qui résistent à leur mégalomanie, ou ceux qui compromettent leurs manoeuvres politiciennes. Ce sont ces vaniteux-là et ces envieux-là qui se moquent de Dieu et sèment pour leur chair par le traitement brutal qu’ils infligent à leurs frères : sanctions imméritées, atteintes à la dignité, licenciements abusifs, tortures mentales, piétinement des réputations, etc. etc.
Eric C. a raison. Ces gens-là récolteront tôt ou tard ce qu’ils sèment. Mais il se trompe de destinataire.
Ce n'est pas à la victime qui se fait la voix de toutes les victimes silencieuses qu'il fallait adresser ce mot, mais aux bourreaux "comme il faut".
C’est à dire aux dirigeants de la communauté adventiste de la Martinique, leurs nervis et leurs partisans, à ceux-là qui ont provoqué la maladie de sa femme et la mort intra-utérine de son bébé, à tous ceux qui par leur complicité active ou passive, renient la vraie foi, celle que Paul définit comme la foi agissant par la charité.